Réunions gouvernementales

La guerre était donc finie. Comme il l'avait dit dans sa proclamation à la nation, aucun sacrifice, aucun effort, aucune mort n'avaient été vains.

La nation livadienne avait fait la fête. Fête où prédominait la joie, mais surtout le soulagement. Chez les veuves et orphelins, la tristesse dominait encore, comme chez les prisonniers de guerre et tous les gens entre les mains de l'OSCE.

Kaljulaid était habité d'un simple sentiment. Il avait fait la moitié de la mission : reconquérir la Livadie. Désormais, il faudrait la rénover, la rebâtir et trouver les moyens d'éviter à jamais qu'une nouvelle catastrophe de ce type émerge.

Il avait donc, dès le lendemain, réuni son gouvernement. On avait sabré le champagne et tout le monde arborait un air épanoui et réjoui. Puis Kaljulaid annonça qu'il fallait se mettre au travail.

- Fehér, Fehérin, une montagne de dossiers nous attendent. Un seul objectif, rebâtir et rénover la patrie. Cette tâche commence déjà, et elle sera bien plus longue que la guerre. Voici nos priorités, chacun de vous interviendra sur le point qui le concerne et je trancherai.

- Gestion des prisonniers de guerre.
- Gestion des réfugiés
- Reconstruction du pays.
- Lutte contre l'esprit merksiste et libéral.
- Réduction de l'armée, remise à niveau de la flotte.
- Réformes constitutionnelles
- Missions de l'OSCE
- Retour de la famille royale et perspectives de Restauration

Je vous écoute …

Kareel Kander, ministre de l'Intérieur, avait vu la gestion des prisonniers être rattachée à son portefeuille. Il poursuivait un objectif plus personnel et politique : éviter que l'on évince les Lansquenets du pouvoir au prétexte que la guerre était terminée.

- Nous avons vingt-cinq mille prisonniers républicains. Je n'aborderai pas les deux mille autres spéciaux sous la responsabilité de l'OSCE, ils ne sont pas de mon ressort.
Une amnistie collective serait une pure folie. La plupart n'ont en rien renoncé à leurs idéaux. Il faut leur permettre une rédemption par le travail et la réparation des fautes commises. Ils sont et seront traités humainement mais nous allons pouvoir les employer à la reconstruction et au déblayage des gravats de Mitau et Levgrad.

Il faut aussi gérer la question des prisonniers mézènes, francovars, kolozistanais et les quelques Valdisks que nous possédons encore. Je pense qu'il faut relâcher rapidement les Francovars, eu égard aux services que l'Institut Filin a rempli à l'égard de la famille royale. Nous pourrions en faire de même avec les Kolozistanais. Ce serait un gage de reconnaissance pour les Kolozistanais nationalistes qui se sont battus à nos côtés, mais leur état a été franchement décevant. Incapable de s'engager franchement à nos côtés, toujours prêt à offrir l'asile politique aux nôtres comme si nous étions la dernière des tyrannies ! Ah ça, non, ils ne valent pas les Russlaves. Enfin, nous pourrons relâcher les Mézènes, ces gars nous ont donné du fil à retordre. Impensable qu'ils n'aient pas obtenu un soutien étatique. Gardons le en tête ...

Kaljulaid avait opiné du chef pendant tout l'entretien.

- Nous devons trouver un bon équilibre. Ces étrangers doivent réparer les torts qu'ils nous ont causés et nous ne devons pas nous fâcher avec le reste du micromonde. La guerre est finie, les puissances libérales du micromonde vont nous scruter à la loupe et je sens bien que la question des prisonniers de guerre est un point chaud qu'ils vont vouloir exploiter.

Je ne serai pas aussi conciliant avec les Francovars. Micropolia n'a rien fait pour calmer les intentions agressives d'Enculine. Pour les étrangers prisonniers, je dresse le calendrier suivant. Libération des Francovars et des Kolozistanais dans huit mois (EL : trois semaines) et des Mézènes et des autres dans un an et demi (EL : un mois et quelques jours).

Sujet suivant.

Natacha Hallais était une des personnes que l'on n'aurait pas imaginé aux côtés du Premier Fehér. Née à Levgrad, ce qui expliquait son nom argenois, Hallais était une politicienne de gauche. Choquée par la sécession et les violences merksistes, elle l'avait rejoint par anti-merksisme et surtout par opportunisme ...

En qualité de ministre des Affaires Sociales, elle prit la parole, la gestion des réfugiés lui revenant.

- Hélas, nous avons une certaine expertise en ce domaine. Nous avons des réfugiés sans toi depuis la réduction de la poche de Mitau, et nous en avons près de cent mille depuis la destruction d'une partie de Levgrad. Une bonne partie d'entre eux seront pris en charge par leurs familles. Pour les autres, nous devons agrandir nos camps de fortune et leur proposer de bonnes conditions sanitaires et alimentaires. Nous avons les médecins et tout le personnel nécessaire mais il faudra débloquer des crédits, et ce jusqu'à la reconstruction de nos villes et de leurs habitats.

- Vous aurez tous les crédits nécessaires. La prise en charge des sans-abris va être qualifiée de grande Cause Nationale. Nous pourrons également compter sur le soutien de particuliers, d'associations et de l'Eglise. Nous allons laisser sur place le grand hôpital militaire d'Osterman-Ivanovitch.

Le personnel qui gravitait autour du Premier Fehér était divers et varié. Il y avait des opportunistes comme Hallais, des hommes et des femmes de droite, conservateurs classiques mais aussi des Lansquenets, sorte de proto-fascistes. Le corégent, Klausburg et évidemment Kander en faisaient partie.

Ce dernier sentait bien que Kaljulaid était un peu suspicieux à leur égard. Il fallait donc que les Lansquenets se rendent indispensables en politique, comme il l'avaient fait sur le champ de bataille.

- Le mouvement merksiste et républicain livadien est mort. Ses trois grands chefs ne sont plus là. Veers est porté disparu, Gousseva est  mort et Arkelsson s'est suicidé. Tous les autres cadres, qu'ils soient politiques, militaires, médiatiques ou autres, sont morts, emprisonnés, ou exilés. Il faut empêcher la Bête de ressurgir. Je pense que les Livadiens en sont vaccinés pour un moment. Même dans leur territoire, ils étaient minoritaires, je suis persuadé qu'ils se sont maintenus par la violence et la terreur, il suffit de voir leur poids électoral dans les législatives d'avant-guerre. Bref, perpétuons cet état de fait. Premier Fehér, je vous propose un décret interdisant purement et simplement le merksisme en Livadie. Par ailleurs, nous devons également nous occuper de ses restes qui survivent à l'étranger, je pense aux deux mille Livadiens partis dans les cales valdisks. Voici ce que je vous propose. Retour en Livadie d'ici le 10 avril sinon ils seront faits apatrides et leurs biens seront saisies. Et pour cause, ils sont accusés d'intelligence avec l'ennemi et de rebellion armée.

- Je vous remercie Kareel pour cette batterie de mesures que nous allons prendre progressivement.

Je vais piloter personnellement de question de la reconstruction puisque la plupart de vos ministères vont être engagées. Comprenez bien que cette question est primordiale. Dans deux ans, la reconstruction doit être achevée. Nous le devons aux Livadiens. Quelques petites mesures pour commencer. Nous allons suspendre pour cette année les impôts pour les particuliers et les impôts et ce pour les provinces de Levland et de Ventpills afin de permettre la reprise économique. Par ailleurs, les prisonniers, et c'est déjà le cas, seront employés au déblaiement des gravats.

Mes services ont déjà identifié les villes les plus détruites : Mitau à 20 %, Levgrad à 40 %, et pour des villes plus modestes Staltbriedas à 50% et Novy-Krasnovosk à 80%. L'état pilotera la reconstruction afin qu'elle soit menée sérieusement. Les entreprises livadiennes auront fort à faire et nous ouvrons le marché à des entreprises étrangères. Les centre-ville historiques seront rebâtis à l'identique et je ne veux pas de bétonnage. Faisons comme pour Livadia et Ludmilla, profitons-en pour aménager des rues piétonnes, des pistes cyclables etc. En un sens, voici notre leitmotiv : Rapidité, efficacité, esthétisme.

Reinsalu, en politicien rusé, avait toujours réussi à rebondir et à se rendre indispensable aux gouvernements de droite des vingt dernières années.

- En ce qui concerne l'armée, nous avons démobilisé les réservistes et les Lansquenets. Les soldes ont été payés. Il y a eu des soucis avec ces derniers qui seraient bien vus comme une armée additionnelle à côté de la régulière. Néanmoins, un certain nombre d'entre eux, parmi les plus méritants ont été embauchés en remplacement de nos pertes. Ainsi, la contestation est partiellement éteinte…

Il n'osa pas regarder Kandeer.

- Par ailleurs, notre flotte a terriblement souffert. Les vaisseaux ralliés aux Républicains ont été sabordés dans le port de Levgrad. Il s'agit du croiseur NML Bielnost, des sous-marins NML Hirvet NML Baltijas et des corvettes Koutouzov, Rodion et Petrovitch. Par ailleurs, le NML Maria a beaucoup trop souffert du conflit et il est inopérant. Autant vous dire que notre flotte a quasiment perdu la moitié de sa capacité.

Autrement dit, entre le paiement des soldes qui a déjà grevé notre budget, la Reconstruction, et la coupe du micromonde, nous risquons de ne pas avoir les moyens de remettre notre flotte à niveau.

Kaljulaid commenta très simplement.

- Ma décision est prise. Nous devons faire des choix. Nous devions payer les soldes, et il est hors de question de faire l'impasse sur la Reconstruction. Entre la flotte et la compétition, je choisis la seconde. On peut s'en surprendre, il ne s'agit pas de préférer une futilité à notre sécurité. Non. Seulement, cette compétition en entraînant de grands chantiers publics et en permettant l'accueil de centaines de milliers de touristes est l'occasion rêvée pour relancer notre économie. Ce choix est risqué et risque d'être mal compris, mais je l'assume.

Reinsalu commença sa seconde intervention.

- Les réformes constitutionnelles interviendront lors de la transition démocratique promise. Ils me semblent que l'une des causes du soulèvement républicain réside dans le déficit démocratique de nos institutions. Localement, nos concitoyens n'ont pas leur mot à dire, il n'y a aucun échelon exécutif intermédiaire entre un maire et le gouvernement. Je suggère que nous instaurions des assemblées provinciales avec des compétences bien définies. Ainsi, si crise future, il devait y avoir, le gouvernement et le Roi ne se retrouveraient pas immédiatement en première ligne. De même, dans le même souci, je pense qu'il faut faire en sorte que l'Etat reconnaisse officiellement et constitutionnellement le culte syiste.

- Transition démocratique, transition démocratique comme vous y allez commenta Kander. Donnons-nous d'abord les moyens de vraiment mener notre révolution nationale, nous verrons ensuite … !

Kaljulaid leva la main afin que ses ministres se taisent.

- La transition démocratique fait partie du pacte que j'ai passé avec la nation, mais son moment n'est pas encore arrivé, en effet …
Khotkhovo, je souhaite que vous vous rendiez en CHS pour participer aux festivités du dix-neuvième anniversaire. En ce qui concerne la suite de notre réunion, je crois que les missions de l'OSCE sont bien établies et qu'il les mène parfaitement.

Le dernier point donc. Avant la question de la Restauration, il y a celle du retour de la famille royale. Nous n'allons pas donner publiquement une autorisation à la Reine-Mère. Non, nous devons lui laisser l'initiative, faites remonter cette information jusqu'à elle. Les Ostermann-Ivanovitch sont chez eux partout en Livadie et leur autorité, leur légitimité ne dépend pas de mon bon-vouloir; elle est divine. Je ne suis pas Roi, je suis Régent et je l'ai toujours été. Lev II est Roi par la grâce des Dieux et depar l'onction nationale, pas selon ma volonté. Il est bien important que les Livadiens comprennent cela, sinon c'en sera fait du prestige de la monarchie.

Il s'agissait d'une énième réunion gouvernementale, et tandis que les différents ministres s'installaient autour de la table, les plus avisés notèrent que la présence du co-Régent le Prince Mikhaïl indiquait forcément que cette réunion sortirait de l'ordinaire.

- Fehér, Fehérin, j'ai décidé de cette réunion car j'ai pris des décisions importantes concernant la direction du pays. Nul besoin de vous rappeler tout ce que notre gouvernement a fait lors de ce mandat. Je ne parle pas simplement de la réunification du pays, de l'écrasement de la sédition merksiste et de la Reconstruction, j'y ajoute toutes les réformes prises pour assurer la perpétuité de la civilisation livadienne. A coté de celles-ci, nous avons réformé le pays comme jamais : je ne vous ferai pas la somme de toutes les mesures en faveur de la modernisation de l'état, mais mentionnons la création de l'Institut Filin, notre ouverture culturelle au micromonde, notre candidature à l'organisation de la coupe du micromonde, nos efforts pour assurer notre indépendance énergétique et enfin nos projets de réformes constitutionnelles.

Et j'en viens au point important, je crois qu'il est temps d'aborder la question de la transition démocratique. Conformément au pacte passé avec la nation, le moment est venu de restaurer la Livadie dans sa forme monarchique, démocratique et zorthodoxe, forme sous laquelle elle prospère depuis plus d'un siècle. Oui, chers amis, l'heure est venue de tirer ma révérence. Il n'est de bonne compagnie qui ne se quitte, et même les meilleurs choses ont une fin.

Dominant le brouhaha qui montait, Kaljulaid continua.

- Je m'adresserai à la nation dans le courant de la semaine prochaine pour lui donner le calendrier de la transition démocratique. Dans un premier temps, je démissionnerai de toutes mes charges et prendrai une retraite bien méritée. Sven Rakel sera nommé commandant des FDL, et S.A le Prince Mikhaïl, en qualité de Régent, convoquera des élections libres, libre de merksistes entendons-nous, mais où même les républicains pourront participer. Après quoi, un Premier Ministre sera nommé, et le Premier Régent, avec ou sans son soutien, proposera notre réforme constitutionnelle. J'espère, que les prochains gouvernements dont certains d'entre vous feront partie auront la sagesse de ne pas détricoter toute notre oeuvre, sans quoi tous nos efforts auront été vains…

Il nous reste quelques menus dossiers à traiter, il faut libérer les derniers prisonniers notamment. Je ne veux pas laisser de sujets compliqués au prochain gouvernement.

Kaljulaid se rassied, et tout le monde put constater la véracité de l'adage qui disait que le pouvoir faisait vieillir. Prenant sa casquette entre ses mains, il dit simplement :

- Voilà, chers amis, voilà…