Vers le continent Micraustrale

Accoudé au bastingage, Andris Lembergs murmurait ses quelques vers du grand poète national. Ils lui semblaient tout à fait à propos.

Le brise-glace Hapsal, accompagné de deux autres navires de soutien, avançait vers le nouveau continent. On avait rendez-vous avec les navires du Gwangua, l'autre grande puissance régionale pour explorer le continent Micraustrale, ainsi qu'il l'avait baptisé. Il se murmurait aussi que l'OMO entendait rejoindre l'expédition. C'est donc une ruée vers des terres nouvelles comme jadis. C'est que la fonte des glaces avait rendu possible l'exploration plus approfondie d'une terre que des barrières de glace avaient jadis quasiment coupées du micromonde.

En 1920, le capitaine livadien Falkenmaëd avait été le premier à atteindre le continent. Alors qu'il cherchait le pôle sud géographique du globe, son équipage et lui avaient été bloqués par les glaces de longues semaines, avant de trouver quasi-miraculeusement une voie. Au retour, il avait publié un témoignage de la nouvelle terre, mais les Livadiens d'antan avaient d'autres chats à fouetter. Ils luttaient pour le contrôle de l'île. Falkenmaëd avait été reçu par les hautes autorités, il avait reçu une médaille, mais on était pas allé plus loin.

Désormais avec les moyens technologiques modernes, on briserait l'infranchissable glace et on repousserait les limites du monde connu.

La flottille ainsi constituée, l'Hapsal se mit en route.

L'équipage actionne toute la puissance des machines, le navire avance sur la glace et son poids la casse, l'étrave dégage les morceaux cassés, et le cycle allait se poursuivre ainsi des centaines de fois.

Ainsi, le Hapsal traçait sa route et déjà l'hélicoptère embarqué entamait des rotations et commençait à repérer les côtes du nouveau continent, appréhendant déjà son sommet dominant.

Le moment est simplement historique, et malgré la fatigue, le froid polaire, Gwanguas et Livadiens saisissent la solennité du moment. On verse une petite larme d'émotion et une vieille barbe grise de Sogol décident de baptiser le lieu : le Rocher du Débarquement.

Les deux équipes s'affairent sur ce gros caillou d'un hectare. Ils y prélèvent des échantillons de roche, d'algues et en prennent possession en plantant les deux drapeaux.

L'appareil reprend son envol pour aller directement vers le continent, tandis que des esquifs livadiens et gwanguas s'apprêtent à l'aborder.

Bien plus au nord, à Levgrad, un nouveau brise-glace sous pavillon militaire cette fois-ci quitte la rade. Il a pour mission d'aborder le continent par son côté occidental et de retrouver la voie qu'avait jadis emprunté Falkenmaëd.

Au soir du 5 novembre, le brise-glace parti de Levgrad fit sa jonction avec le Hapsal. Les quatre navires continuèrent leur route et touchèrent terre quelques temps après.

Il revint à Lembergs l'honneur -pour une seconde fois- de planter le drapeau national. Le Grand Royaume se rendait souverain de tout le territoire basé entre les deux grandes lignes de crête de la côte occidental du territoire. Au nord, on aurait pour voisin les Edoranais, tandis qu'au sud, les Zollernois avaient déjà émis des revendications.

Le lieutenant-colonel Kivilaan débarqua peu de temps après avec quelques dizaines d'hommes et envoya des patrouilles reconnaître le territoire. Quant à Lembergs, il ne tenait plus en place et son âge avancé ne l'empêchait pas d'aller et venir.

- Lieutenant-colonel, j'ai des nouvelles de Livadia. Le territoire va s'appeler le "Territoire Micraustrale livadien." Je dois reconnaitre qu'on a guère d'imagination en haut-lieu …
- Alors professeur, le nom de l'établissement permanant que nous allons établir ici-même vous plaira. Ce sera la base Falkenmaëd.
-Un autre nom n'eût pas été possible, c'est un juste hommage.

Ici et là, les hommes s'affairaient. Le militaire reprit la parole.
- Vous allez demander à rester, professeur ?
- Oui, il y a tant à découvrir. La faune, la flore, je brûle de retrouver des traces de l'expédition de 1920. Et puis, il faudra protéger le fragile écosystème de ce nouveau continent …

Le militaire acquiesça. Il savait qu'il n'était pas question pour le gouvernement livadien de militariser les lieux. Non, Livadia voulait désormais la tenue d'un sommet avec toutes les parties exploratrices pour que l'on signe un protocole afin que les zones de chacun soient officialisées.. Ce serait aussi un moyen de s'entendre sur quelques dispositions, comme la recherche scientifique commune. Il fallait aussi réserver des possibilités à l'OMO sur le continent.

Une petite expédition constituée de fusiliers-marins s'est lancée à l'assaut du point culminant du continent pour y hisser le drapeau livadien.